#14 - Le travail invisible existe aussi en entreprise !
Quand le perso se retranscrit dans le pro
Bienvenue dans cette nouvelle édition de La Golden Hour !
Ici on creuse, on éclaire et on combat les inégalités financières hommes-femmes, notamment au travail ! De temps à autre, on y parle aussi transformations du travail, engagement et quête de sens : un cocktail à siroter chaque mois sans modération.
It’s your time to shine ☀️
Bonne lecture !
Préparer la maison pour un anniversaire, organiser les vacances, aider son enfant à faire ses devoirs… Toutes ces tâches sont indispensables au quotidien mais elles ne sont pas prises en considération dans l’économie d’un foyer, et par extension d’un pays.
Pourtant tout le monde le sait : “le temps c’est de l’argent”. Et ces tâches, c’est qu’elles en prennent du temps !
Du temps que l’on ne peut pas consacrer à ce qui peut nous rémunérer (être à temps plein, signer plus de clients, assister aux réunions tardives, se former,…) ou à se ressourcer et se reposer.
C’est ce que l’on appelle : le travail invisible.
Vous vous en doutez, la majorité du travail invisible, ce sont les femmes qui l’effectuent. Que ce soit dans un foyer, dans un groupe d’amis en vacances, mais aussi… en entreprise !
Il n’y a qu’à remplacer l’anniversaire par le pot de départ, les vacances par le séminaire, et les devoirs des enfants par la formation des stagiaires.
Ce qui se produit dans le perso arrive aussi dans le pro… mais en traitant l’un, on peut aussi traiter l’autre.
Allez, pour cette édition, faisons d’une pierre deux coups ! ☀️

Reconnaître le travail invisible
Le travail invisible est défini en 1987 par la sociologue Arlene Kaplan Daniels comme l’ensemble des tâches essentielles au bon fonctionnement d'une organisation mais qui ne sont ni reconnues ni rémunérées.
Pour y voir plus clair, on peut faire la distinction suivante :
Travail productif : production de biens et de services, c’est le travail qui rapporte une valeur monétaire dans notre système économique.
Travail reproductif : toutes les tâches de la sphère privée, nécessaires pour la vie quotidienne, sans pour autant être associées à un salaire.
Le travail productif, c’est ce qu’on valorise, ce qu’on paie. Le travail reproductif, en revanche, c’est ce qu’on attend sans le reconnaître ni le payer. Or, tout le temps passé à ce travail “reproductif” est du temps qu’on ne peut consacrer à un travail “productif”.
En clair : chaque heure passée à ranger la maison, à gérer les courses ou à aider les enfants avec leurs devoirs, est une heure de moins pour des activités potentiellement rémunératrices.
On pourrait se dire “bah attend c’est normal, on va pas se mettre à rémunérer les gens pour avoir lavé leur chaussettes ou appris 1+1=2 à leur enfant”. C’est vrai… mais c’est uniquement parce que quelqu’un s’en occupe, que d’autres peuvent avoir le temps et l’énergie de se dédier à un travail productif.
Ce quelqu’un, dans l’immense majorité des cas, ce sont les femmes, que ce soit souhaité, par coutume ou par habitude.
Les statistiques parlent d’elles-mêmes :
2/3 des tâches rémunératrices sont récupérées par les hommes
2/3 des tâches gratuites sont effectuées par les femmes
Si les femmes ne géraient pas le linge, les devoirs, les vacances… les hommes devraient s’en occuper eux-mêmes, peut-être même rentrer plus tôt chaque soir, et avoir encore assez d’énergie pour tout gérer. Vous me direz, c’est ce que pas mal de femmes font aujourd’hui ! 🤨
Ce qu’on ne dit pas, c’est que si elles cumulent travail productif et reproductif, c’est nécessairement au détriment de l’un, de l’autre, ou de leur santé.
Si j’appuie sur le travail invisible des femmes à la maison, c’est parce qu’il est plus facile à reconnaître. Mais au même titre qu’à la maison, les entreprises détiennent une part de travail invisible qui repose en immense majorité sur les épaules des femmes.
Le travail invisible en entreprise
L’équivalent du travail invisible au travail est réunit dans le concept des non-promotable tasks (tâches non valorisantes).
C’est l’ensemble des tâches qui profitent à l'organisation mais qui ne contribuent pas à l'évaluation de la performance, à la progression de carrière de la personne, ni même à la progression de sa rémunération.
En gros, ce sont les « tâches domestiques » de bureau, comme organiser des événements ou des soirées, remplacer un collègue malade, coordonner les informations d’un projet, former les nouveaux, et même ranger les espaces communs. Rien qui booste un CV, en somme !
Encore une fois, c’est généralement aux femmes qu’incombent ce travail. Une étude de la Harvard Business Review a révélé que les femmes reçoivent 44 % de demandes supplémentaires par rapport aux hommes pour des tâches « non valorisantes » au travail. À contrario, les hommes se voient proposer (et acceptent de fait) généralement davantage de projets stratégiques avec plus de visibilité et de réseautage !
Dans cette même étude, on se rend compte que face à la demande de non-promotable tasks, les hommes acceptent 51 % du temps, contre 71% des cas pour les femmes.
On pourrait se dire “bah elles n’ont qu’à refuser !”, mais ce n’est pas si simple : recevoir 44 % de demandes en plus, c’est devoir prononcer 44 % de “non” en plus. Fatigant, non ? S’ajoute à ça le fait que l’on attend souvent implicitement des femmes qu’elles acceptent ces tâches sans rechigner. Autrement dit, on leur laisse peu d’occasions de pouvoir dire « pas cette fois ».
En finalité, les femmes contribuent davantage mais sont souvent moins reconnues, comme le montre le rapport Women in the Workplace de McKinsey, publié en 2021. L'impact de ce travail non valorisé et non rémunéré a un coût réel pour elles. On pourrait le résumer au fait qu’elles consacrent davantage de temps à la croissance collective plutôt qu’à leur croissance individuelle, libérant ainsi du temps aux autres (souvent les hommes) de croître individuellement.
Dans l’absolu il n’y a pas de mal à contribuer au collectif, au contraire. À condition que tout le monde y participe équitablement, et si c’est souhaité que ça soit valorisé !
Et si on revalorisait le travail invisible ?
Séparer le travail “productif” du “reproductif” donne l’illusion qu’ils sont indépendants, mais en réalité l’un ne fonctionne pas sans l’autre.
Le travail invisible, même s’il passe souvent inaperçu, n’a pas moins de valeur. C’est notre société qui a choisi de lui donner peu ou pas de valeur financière, le dévalorisant matériellement et symboliquement.
Dans l’histoire une manière de rendre ce travail visible a été de les “dé-domestiquer”, c’est-à-dire de le transformer en métiers : on peut penser aux premiers pressings, crèches, garderies… Bien que ces métiers soient encore majoritairement occupés par des femmes et mal payés, ça a tout de même représenté une avancée.
Une avancée qui comporte tout de même des limites : a-t-on vraiment besoin de tout transformer en métiers rémunérés pour revaloriser ce travail ?
Imaginez ça appliqué à l’entreprise : il faudrait créer un poste pour chaque tâche qui sortirait du périmètre de la mission de base — un organisateur de séminaire, une personne qui n’accueille que les alternants, une personne qui fait le café,… La liste serait interminable ! Et puis dans un sens cela fait sens d’inclure ces tâches dans les missions de chacun pour diversifier le quotidien et contribuer au collectif.
Si à long-terme il faudrait sans doute un modèle qui valorise le travail invisible tant dans le perso que dans le pro (ce que l’économie féministe a déjà commencé à faire), il semble judicieux en attendant, d’identifier des astuces pour alléger la charge de celles (et ceux) qui en portent le poids au quotidien.
Voici 5 petites astuces pour se simplifier la tâche face à ces demandes incessantes :
Accepter une tâche lorsqu’elle comporte un intérêt direct avec votre job ou ne peut pas être déléguée à quelqu’un d’autre
S’il y a un doute, différer la réponse : préférez un “laisse-moi y réfléchir, je te redis”, “je checke mes prios/dispo et je reviens vers toi” plutôt qu’un oui immédiat
Demander si quelqu’un d’autre ne peut pas le faire cette fois-ci (voir mettre en place un système de rotation pour que l’équipe se répartisse ce genre de tâches)
Rendre ce travail visible : comptabiliser le temps que ça a pris (en heure ou en journée) pour chiffrer l’investissement que ça demande
Oser dire non ? Oui c’est plus facile à dire qu’à faire mais c’est une sacré compétence quand même.
En bref, adopter la stratégie la plus adaptée pour redonner au travail invisible la place et la reconnaissance qu’il mérite, sans pour autant tout assumer en silence !
News !
Depuis la dernière édition j’ai eu l’occasion de faire un peu de teasing sur les réseaux sur un projet encore secret, qui s’inscrit dans la continuité de cette newsletter 👀. Un projet qui me tient particulièrement à coeur et qui me demande de ralentir un peu la cadence sur la création de contenu dont la newsletter : on passe en format mensuel !
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