#9 - Femmes & travail : regards croisés entre la France et le Maroc
Ou ce que m'a apporté ma double-culture dans la lecture des inégalités de genre !
Maroc-France, demi-finale, CDM 2022.
Quelles émotions !
À l’image de notre double nationalité, mon frère a la merveilleuse idée de solliciter notre mère pour concevoir un maillot Maroc-France.
Parce que je suis du genre sensible, expressive et fièrement engagée, je lui pique les moitiés restantes pour en constituer un autre et pouvoir tous les deux les porter.
Embarquer notre mère là-dedans a une symbolique encore plus forte : celle de reconnaître et d’accepter cette mixture en nous.
Pari risqué : dans les deux “camps”, tout le monde ne le tolèrera pas.
Pourtant, n’en déplaise à certain.e.s, tout en moi est teinté de cette double nationalité : mes goûts musicaux et culinaires, mon relationnel, mes habitudes, mes expressions, mon rapport au travail,…
Mon engagement féministe !
Vivre une pluralité de perspectives dès la naissance est complexe, parfois handicapant, mais surtout, très très enrichissant.
Alors que je passe mon temps libre à questionner et explorer les inégalités de genre au travail et financiers, j’ai la chance d’être “naturellement” enrichie de deux regards, de deux vécus et de deux histoires, sur un même sujet.
Et vous savez quoi ?
Au-delà des différences dans la pratique entre la France et le Maroc, mon regard a noté, depuis petite, les mêmes mécanismes d’exclusion des femmes, les mêmes problèmes de fond et les mêmes combats…
Faisant de nous femmes françaises, nous femmes marocaines, des homologues au vécu analogue, ou autrement dit : kif-kif !
C’est ce dont je vous parle dans cette nouvelle édition de La Golden Hour ☀️
1. Dans la pratique…
Ce que j’ai observé
La classe moyenne ayant émergé plus tardivement qu’en France, les inégalités économiques sont beaucoup plus fortes au Maroc, et évidemment, elles touchent beaucoup plus les femmes !
Ça commence par l’éducation !
→ L'analphabétisme des femmes marocaines reste assez élevé dans les zones rurales. Je me souviens voir les enfants gérer la paperasse pour leur parents, en zones rurales ou en classe moyenne, surtout pour les mères.
Et puis les injonctions quant au rôle des femmes dans la société :
→ Peu importe la classe sociale, les marocaines arrêtent souvent de travailler dès qu'elles se marient ou ont des enfants. Chez beaucoup d’entre eux/elles, il y a encore cette idée dans l’inconscient collectif que si la femme travaille, c’est que l’homme ne gagne pas assez. A vrai dire les mentalités se sont mises à changer depuis un petit moment, mais ça prend du temps, et 2 ou 3 générations avant que ça ne se ressente globalement.
→ Et si les françaises arrêtent aussi souvent de travailler lorsqu’elles ont des enfants, j’ai le sentiment qu’elles finissent plus rapidement par reprendre le travail quelques années après.
Ce que disent les chiffres/études
Le Global Gender Gap Report de 2023 démontre bien les différences et les écarts de parité entre les deux pays (classement fait sur 146 pays) :
En 2023, la France se classait 40ème au classement mondial sur la parité économique, contre 136ème pour le Maroc, qui était 11ème pire dans ce domaine.
En termes de participation économique, la France se situe à la 51ème place, contre la 141ème pour le Maroc.
Pour l'accès à l'éducation, la France est première à égalité avec 25 autres pays, alors que le Maroc est 115ème.
En santé et survie, la France est 76ème et le Maroc 130ème
Et en autonomisation politique, la France est 39ème contre 90ème pour le Maroc.
On pourrait être tenté de se dire que la France s’en sort très bien. C’est vrai, elle s’en sort, bien, mais ça ne veut pas dire qu’il faut se reposer sur ses acquis et oublier les axes d’amélioration voir les failles !
2. Mais dans la forme !
Ce que j’ai observé
Les femmes en France et au Maroc sont souvent cantonnées aux mêmes types d'emplois et de contraintes : métiers du care, emplois à temps partiel, salaires plus faibles, charge des enfants et de la maison, le worry gap…
Elles sont aussi beaucoup plus invisibilisées ! On parle moins des entrepreneuses à succès (alors qu’elles existent !), des chercheuses,… En entreprise, elles ont moins de temps de parole, on valorise moins leur opinions et initiatives, elles sont moins prises au sérieux. Cette invisibilisation des femmes dans l’économie est un phénomène commun aux deux pays, et révèle une forme de virilité protectrice des richesses qui domine encore nos sociétés, que ce soit conscient ou inconscient.
Ce que disent les chiffres/études
Selon un rapport, l’emploi des femmes dans le secteur informel est proportionnellement plus élevé que celui des hommes, et ça quasiment mondialement ! Elles sont majoritairement employées dans le petit commerce de rue, les services à domicile,…
Il faut tout de même souligner qu’entre les deux pays, c’est au Maroc que c’est plus fréquent. D’ailleurs, le livre Travailleuses invisibles : les métiers de la discrimination au Maroc que m’a conseillé Laëtitia Vitaud en parle très bien !
En France comme au Maroc, les femmes sont plus sujettes à la précarité, et souffrent d’une carence dans l’application des lois favorisant l’égalité, comme le montre l’étude Les femmes, l’entreprise et le droit - 2024.
3. Travail des femmes : reconnu dans son principe, mais souffre encore de biais et de mauvaise foi.
Ce que j’ai observé
Bien que le travail des femmes soit moins contesté aujourd'hui, on a encore du pain sur la planche !
→ Les femmes sont souvent valorisées pour leur douceur et leur empathie plus que pour leur compétences et leur développement.
→ Ces biais contribuent à la féminisation de certains métiers.
→ Le travail invisible des femmes, aussi bien à la maison qu’au travail, est encore largement sous-estimé !
→ Et disons-le, chez certain.e.s, c’est au-delà des biais qu’il y a un enjeu, mais au niveau de la mentalité voir d’une hypocrisie persistante
Ce que disent les chiffres/études
Ce qui est intéressant c’est d’observer les écarts entre la perception des inégalités hommes-femmes et la réalité de celles-ci. Pour ça, je vous propose deux angles d’analyses, basée sur la même étude que la dernière que j’ai cité.
Les divergences entre la perception d’experts du sujet et la réalité légale (le cadre juridique) : au Maroc, la perception de la parité est plus élevée que la réalité juridique, tandis qu’en France, c’est l’inverse.
Les divergences entre réalité légale (cadre juridique) et moyens mis en place (cadre d’appui) : la France se classe 90ème sur le cadre juridique pour l’égalité et 87,5 pour le cadre d’application, tandis que le Maroc obtient les scores de 60 pour le cadre juridique et 45 pour le cadre d’appui.
Conclusion
Qu’elles soient françaises ou marocaines, les femmes restent sous-représentées, invisibilisées, plus vulnérables à la précarité et la dépendance, et ont moins de droit ! Le travail des femmes est moins contesté de nos jours, mais il reste du boulot pour atteindre une vraie égalité et faire bouger les lignes durablement !
Autrement dit : yallah !
News !
Ça fait un peu plus de 2 semaines que je suis installée à Grenoble, alors je profite enfin de mon appart et surtout de la région avec le retour des beaux jours ! Au programme : balades, randos, escalade en nature et terrasses !
Etre installée ne m’empêche tout de même pas de faire des allers-retours à Paris :
Le week-end dernier j’ai eu ma cérémonie de remise de diplômes : les études c’est officiellement terminé !
Amis créateurs, amies créatrices ! Avec Eliott, on organise le 4ème Rendez-vous des Créateurs le 18 juin pour un pique-nique au Jardin des Tuileries . C’est le dernier avant septembre prochain 👉 par ici pour avoir le détail des infos !
Et sinon, les interventions en école & universités, notamment pour la projection des documentaires Work In Progress, continuent d’être programmées ! Si vous êtes intéressé.e.s, ne tardez pas, l’agenda de la rentrée se remplit vite !
À la prochaine !
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